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Quatrième de couverture :

Dans un village des Caraïbes, la légende d’un trésor disparu vient bouleverser l’existence de la famille Otero. À la recherche du butin du capitaine Henry Morgan, dont le navire aurait échoué dans les environs trois cents ans plus tôt, les explorateurs se succèdent. Tous, dont l’ambitieux Severo Bracamonte, vont croiser le chemin de Serena Otero, l’héritière de la plantation de cannes à sucre qui rêve à d’autres horizons. Au fil des ans, tandis que la propriété familiale prospère, chacun cherche le trésor qui donnera un sens à sa vie. Mais, sur cette terre sauvage, la fatalité se plaît à détourner les ambitions et les désirs…

Dans cet envoûtant roman à la prose somptueuse, Miguel Bonnefoy réinvente la légende de l’un des plus célèbres corsaires et nous raconte le destin d’hommes et de femmes guidés par la quête de l’amour et contrariés par les caprices de la fortune. Il brosse aussi le tableau émouvant d’un pays dont les richesses sont autant de mirages et de maléfices.

Tout commence au sommet d’une forêt caribbéenne, sur le bateau du capitaine Henry Morgan, échoué là suite à une tempête épique. Un bateau où les marins continuent ou presque à vivre comme s’ils étaient encore en mer. C’est une autre tempête qui va précipiter dans l’oubli le navire, corps et biens. Et ces biens, il paraît qu’ils sont nombreux et mirifiques. La légende du trésor du capitaine Morgan est en route et fera rêver de nombreux explorateurs au long des générations : Severo Bracamonte, aventurier qui laissera tomber ses recherches pour épouser Serena Otero, héritière d’une plantation de canne à sucre, et fera prospérer le domaine ; Mateo San Mateo, qui comblera les aspirations indicibles de Serena, laissant la propriété à l’ambition vorace de la fille de Serena, Eva Fuego.

Dans ces histoires, les hommes cherchent le trésor mais celui-ci n’est sans doute pas emprisonné dans des coffres fastueux : est-ce l’amour ? Est-ce le travail qui apporte la prospérité ? Derrière ces hommes, ce sont les personnages féminins qui dominent : la mystérieuse Serena aux aspirations inexprimées, la fougueuse Eva au pouvoir impudent inspirent et décident, en secret ou au grand jour.

Le récit est plein de chaleur et de senteurs, la canne à sucre, le sucre, le rhum, les épices, les fleurs tropicales déploient leurs parfums et envoûtent le lecteur, dont tous les sens sont mis à concurrence. La langue est belle et colorée. C’est une belle découverte que la plume de Miguel Bonnefoy, aux origines vénézuélienne, chilienne et française, et qui écrit – magnifiquement – en français.

« Elle ne lisait pas ce qu’elle voulait, mais ce qu’elle trouvait. Comme souvent les livres lui parvenaient sans couverture, elle ne sut jamais qui était l’auteur de ce roman bouleversant d’une jeune femme qui rêvait à l’inaccessible. Et comme les dernières pages étaient arrachées, elle n’eut pas à pleurer la mort d’Emma Bovary ni l’idée qu’on puisse se suicider par amour. »

« Ces livres enseignèrent à Serena tout à la fois la servitude et la révolte, l’infidélité et le crime, la magie d’une description et la pertinence d’une métaphore. Ils lui firent découvrir les divers aspects de la virilité, dont elle ignorait presque tout. Elle apprit que la tour de Pise penchait, qu’une muraille entourait la Chine, que des langues étaient mortes, et que d’autres devaient naître. »

« Imbécile. Tu seras un homme quand tu sortiras un trésor du fond de mes yeux. »

« Son baiser prit une couleur d’or et de miel. A son parfum, il reconnut les notes vanillés de l’ananas, ses lèvres exhalant des fraîcheurs herbacées et des saveurs d’agaves, comme une longue traînée de braise, et la chaleur de celles qui ont une flamme à la place du cœur. »

Miguel BONNEFOY, Sucre noir, Rivages poche, 2019 (Payot et Rivages, 2017)

Une participation au Mois latino-américain chez Ingamnic

Et un grand merci à Véro pour la découverte !