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Quatrième de couverture :

Ce matin, Mostéfa a cassé le nez de son meilleur ami. Il a du mal à comprendre les règles de l’institut parfois, Mostéfa ; c’est pas vraiment de sa faute, ça fait pas longtemps qu’il vit sur la terre ferme. Il y a encore deux ans, il habitait loin de Mogadiscio. Il habitait sur l’eau. Son prénom, c’était pas encore Mostéfa, là-bas sur son bateau, on l’appelait le Grillon. Ses jouets, c’étaient des fusils-mitrailleurs et ses amis, c’étaient des pirates.

Le thème choisi par Tristan Koegel pour son premier roman, qui paraît aujourd’hui même en librairie, n’est pas simple : il veut nous intéresser, intéresser ses jeunes lecteurs aux pirates qui sévissent dans la Corne de l’Afrique et il choisit de la faire en prenant la voix de Mostéfa, ou Le Grillon, enfant d’origine coréenne rescapé d’un abordage dans lequel ses parents ont trouvé la mort. C’est Samatar, un des pirates, qui l’a pris sous son aile, au grand dam d’Aakalon, pirate barbu bien pire que la Capitaine Crochet. En se mettant ainsi dans la peau d’un gamin, l’auteur veut sans doute aussi pointer du doigt le drame des enfants enrôlés malgré eux dans des conflits violents, on ne peut s’empêcher de penser aussi aux enfants soldats.

L’histoire commence dans un institut (un orphelinat) où le Grillon a trouvé refuge, vous comprendrez pourquoi en lisant le livre. Finalement, ce jeune garçon qui ignore jusqu’à son âge exact est toujours en décalage, il n’est vraiment à sa place nulle part : ballotté entre des adultes qui ne prennent pas soin de lui (sauf Samatar), qui ne lui offrent rien de ce qui est nécessaire à un enfant pour s’épanouir et grandir, mais sont plutôt occupés à organiser leurs prises d’otage, à régler leurs conflits internes sur le vaisseau-mère des pirates, souffrant du « mal de terre » quand il quitte l’océan, le Grillon ne parvient pas non plus à s’adapter vraiment aux règles de la vie en groupe à l’institut. Il a du mal à apprendre à lire et à écrire, déjà sur le vaisseau on se moquait de lui, on lui faisait peur en agitant des « monstres » sous ses yeux, son seul refuge a été un livre d’images avec sa fascinante fillette à la robe rouge, qui est devenue son amie…

Thomas Koegel a voulu « attaquer » de nombreux thèmes dans ce roman, en nous les faisant ressentir par Mostéfa, c’est là toute la richesse et toute la limite de son projet : en prenant la voix d’un enfant, son langage simple, presque oral, il réussit à nous faire très bien ressentir les émotions que vit le Grillon, la peur, l’incompréhension, l’exaltation liée au danger mais aussi l’émerveillement devant la beauté, la force de l’océan, devant les couleurs d’un livre d’images (j’avoue quand même que j’ai eu un peu de mal à comprendre l’espèce de folie qui le prend quand il s’éprend d’un personnage de papier). Mais pour ce qui est du contexte choisi, les pirates de la Corne de l’Afrique, la guerre civile en Somalie, le roman m’a semblé manquer de cohérence, de clarté. Peut-être est-ce dû à mon statut de lectrice adulte, qui aurait préféré quelques informations plus consistantes, un peu de recul par rapport aux émotions vécues par Mostéfa, face à ce monde d’adultes auquel il ne comprend pas grand-chose. Il aurait peut-être suffi d’une petite page informative à la fin du roman, ça aurait le mérite de clarifier le contexte aux yeux des jeunes lecteurs.

Il n’empêche que, derrière une couverture au graphisme un peu tristounet à mon goût, malgré ses couleurs tranchées, ce premier roman fait percevoir avec justesse le drame d’une enfance volée, dans  cette région de l’Afrique dont on ne parle guère en Europe, au milieu de pirates modernes qui n’ont vraiment rien pour faire rêver, et rien que pour cela, il vaut la peine d’être découvert. …

« Bien sûr, ils ont voulu savoir qui était avec moi dans la chambre de Gros Nez, mais j’ai rien dit. Un pirate, ça dénonce pas ses copains, en principe. Le directeur ne m’a pas renvoyé de l’institut, j’ai juste été puni, et avec Abdel, on a arrêté les gâteaux pour un moment.

C’est bien quand ça se termine comme ça. On est puni et tout redevient normal. Malheureusement, quand c’est pas des gâteaux qu’on vole, quand c’est des bateaux et des hommes, ça fait toujours mal. C’est là qu’on perd nos nageoires. » (p. 50)

Un tout grand merci à Marlène Campos et aux éditions Didier jeunesse pour l’envoi de ce livre !

Tristan KOEGEL, Le Grillon, Récit d’une enfant pirate, Didier jeunesse, 2013

L’avis de Jérôme

Un premier roman qui me permet d’entamer ma ligne jeunesse du Petit Bac, catégorie Animal, et donc un animal pour Animaux du monde.

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