Présentation de l’éditeur :
Dès les premières lignes, Donald Ray Pollock nous entraîne dans une odyssée inoubliable, dont on ne sort pas indemne.
De l’Ohio à la Virginie Occidentale, de la fin de la Seconde Guerre mondiale aux années 60, les destins de plusieurs personnages se mêlent et s’entrechoquent. Williard Russell, rescapé de l’enfer du Pacifique, revient au pays hanté par des visions d’horreur. Lorsque sa femme Charlotte tombe gravement malade, il est prêt à tout pour la sauver, même s’il ne doit rien épargner à son fils Arvin. Carl et Sandy Henderson forment un couple étrange qui écume les routes et enlève de jeunes auto-stoppeurs qui connaîtront un sort funeste. Roy, un prédicateur convaincu qu’il a le pouvoir de réveiller les morts, et son acolyte Théodore, un musicien en fauteuil roulant, vont de ville en ville, fuyant la loi et leur passé.
Toute d’ombre et de lumière, la prose somptueuse de Pollock contraste avec les actes terribles de ses personnages à la fois terrifiants et malgré tout attachants. Le diable tout le temps n’est pas sans rappeler l’univers d’écrivains tels que Flannery O’Connor, Jim Thompson ou Cormac Mc Carthy.
Comment vous exprimer les multiples sentiments par lesquels ce livre m’a fait passer ? Je l’avais emprunté en bibliothèque après avoir été (quand même) quelque peu titillée par les nombreux avis lus ici et là, et par son classement comme meilleur livre de l’année 2012 par la revue Lire (oui, tout cela est subjectif et relatif, mais quand même…) (ah je me répète dans les « Quand même », j’ai trop regardé le Secrets d’histoire sur Sarah Bernhardt !). Bref, multitude de sentiments, disais-je. Il faut dire que juste avant, j’avais lu Le Père de la petite, et que le contraste a été… violent.
J’ai d’abord été médusée par la violence, le fanatisme, la folie qui se dégageaient des agissements de Willard Russell dès le début du roman, par tout ce qu’il fait subir à son gamin. Mais impossible de se détacher de ce roman : en sept parties (un chiffre parfait, aux connotations très bibliques, plus divines que diaboliques… tiens, tiens) Donald Ray Pollock mène son intrigue tambour battant, il nous emmène à la suite de personnages tous plus allumés les uns que les autres, hallucinés et surtout hallucinants, il nous fait assister à leurs agissements déviants, complètement barrés dans une ambiance de crasse, de sueur et autres sécrétions corporelles dont je vous passe le détail. C’est mieux de goûter par soi-même ! Et quand il y en a un ou une qui semble plus innocent que les autres, elle (Lenora) est tellement peu « éduquée » qu’elle en devient une proie facile, ou bien son sens de la justice (Arvin) l’amène à une spirale sans fin… diabolique elle aussi.
Alors autant le dire, au final, ma première réaction a été assez primaire : les hommes sont tous (ou presque) des connards et des salopards pervers, surtout quand ils portent un insigne de shérif ou quand ils occupent un logement de fonction dans une paroisse. Et les femmes sont leurs pauvres et innocentes (enfin pas toujours) victimes. Mais ma conscience morale (de blogueuse) m’a conseillé de réfléchir un peu plus.
Donc j’ai continué à admirer la maîtrise narrative de Donald Ray Pollock, qui, pour un premier roman, réussit franchement un coup de maître, semblant abandonner un ou deux personnages pour mieux les retrouver plus tard, et bien sûr faire se croiser leurs routes. De l’installation de Willard Russell à Knockenstiff au retour de son fils sur les ruines de la maison familiale, la boucle est bouclée. Et quelle boucle : de celles qui défrisent, si je puis me permettre…
Et j’ai admiré aussi l’habileté de l’auteur à placer son récit dans l’époque qu’il a choisie : de la fin de la deuxième guerre mondiale aux années 1960. On peut se dire que ce furent des années auréolées de gloire pour les Etats-Unis avec la victoire de 1945, l’influence grandissante du pays au niveau mondial. Mais les personnages que Donald Ray Pollock met en scène révèlent un autre visage du pays, une Amérique rurale, pétrie de superstitions, de rancoeurs, de racisme ordinaire, de mépris pour tout qui n’est pas dans la norme, de corruption. Des gens usés par la misère morale et l’alcool. Des proies faciles pour le diable, tout le temps. Un visage qui, finalement, n’a pas tellement changé, je crois (il suffit de se rappeler les images de George W. Bush en prière pour se faire élire…) (même chez nous, en Europe, ça existe, les fanatiques, les tueurs en série, les…). Et c’est toute la force de Pollock de nous envoyer ce paquet sanglant à la figure. Dans l’Amérique d’aujourd’hui.
Un roman fascinant. A découvrir absolument.
Donald Ray POLLOCK, Le Diable, tout le temps, traduit de l’américain par Christophe Mercier, Albin Michel, 2012
De nombreux avis (dont Jérôme, Clara, Jostein…) sur Libfly. Et un magnifique billet, comme toujours, ici.
Une participation au Mois américain que j’inscris au challenge 50 états, 50 billets pour l’Ohio.
dominique a dit:
je l’ai noté depuis longtemps mais il est archi réservé à la bibliothèque et il est dur de mettre la main dessus
Ton article me fait penser à aller voir où en sont les réservations
anne7500 a dit:
Dans ma petite ville de province, il n’avait pas l’air de sortir beaucoup quand je l’ai emprunté. Peut-être un peu plus maintenant que j’en ai parlé au club de lecture 😉
Lili a dit:
Décidément, tu en remets une couche sur tous les précédents avis dithyrambiques ! Je ne peux que noter !
anne7500 a dit:
Hi hi !!
noctenbule a dit:
Intriguant ce résumé 🙂
Tentant aussi ce voyage dans la noirceur et l’horreur.
anne7500 a dit:
C’est un livre magistral !
jerome a dit:
Ben oui, à lire absolument. Quelle claque, je crois que je ne m’en suis pas encore remis…
anne7500 a dit:
C’est un livre inoubliable… Je me suis acheté les nouvelles du monsieur, en Phébus Libretto !
Secrète Louise a dit:
Je le note , ton billet me donne très envie de le lire
c’est affreusement délicieux avec ce challenge la PAL va s’allonger:)
anne7500 a dit:
Les blogs à eux seuls sont une source de tentation permanente 😉
Marilyne a dit:
Qui défrise ?! C’est qu’il serait pour moi, pfff. Quand ça prend aux tripes, je ne crache pas dessus
anne7500 a dit:
Oh je croyais que tu l’avais lu 😉
zarline a dit:
Et ben, j’ai dû louper tous les autres billets sur ce livre mais je note sans hésiter. Merci pour la découverte!
noukette a dit:
Il va falloir que je lise ça, vraiment… Il a l’air incontournable et absolument fascinant !
anne7500 a dit:
Tu es assez téméaire pour tenter cet lecture, et si cela ne te plaît pas, tu laisses tomber. Mais… 😉
Adalana a dit:
Je l’avais déjà noté mais c’est bien que tu en remettes une couche ! 😉
anne7500 a dit:
Une couche insistante 🙂
Aifelle a dit:
Brrrrrrrrrrrr, ton résumé fait froid dans le dos. Je ne suis pas sûre d’avoir envie de me jeter dessus.
anne7500 a dit:
C’est vrai que ce n’est pas tout à fait ton genre, mais qui sait ?
valentyne a dit:
j’hésite, j’hésite …. peut être trop violent pour moi …Mais ton billet est très convaincant;-).
anne7500 a dit:
A toi de voir… Feuillette-le en librairie ou en bibliothèque ?
Karine:) a dit:
ouf, ça fait peur, tout ça… Même si tu dis que c’est génial, je ne suis pas certaine que ce soit pour moi!
anne7500 a dit:
Je crois que tu le sens bien !
Asphodèle a dit:
J’avais lu le Lire en question et l’extrait qui lui était consacré et malgré les dithyrambes il ne me tentait pas jusqu’à …ton billet magnifique, du coup je le note ! 🙂
anne7500 a dit:
Attention, la maison décline toute responsabilité en cas d’addiction !
Antigone (@EcritsAntigone) a dit:
Ton billet est magnifique et ça fait envie malgré la noirceur (de ton résumé et de la couverture) !!
anne7500 a dit:
Attention, je ne rembourse pas en cas de dégoût prononcé ! 😉
Valérie a dit:
Bon, j’ai beaucoup hésité, l’ai noté puis barré mais là, je le remets dans ma LAL.
anne7500 a dit:
Euh… je te fais une double réponse : la même qu’à Antigone et la même qu’à Asphodèle (super-parapluie pour moi).
chaplum2 a dit:
Je suis archi ferrée mais comme d’habitude, j’attendrai la sortie en poche.
anne7500 a dit:
C’est sage ! Mais j’étais raisonnable aussi, c’est un emprunt de bibli…
kathel2 a dit:
Il est venu aux Quais du Polar il y a deux ou trois ans, mais je n’ai pas encore osé m’emparer de ce roman… ça semble rude, tout de même.
anne7500 a dit:
Oui, c’est quand même dur à avaler !
somaja1 a dit:
Mais faut pas me faire des billets comme ça !!!! Heureusement que toutes les librairies dignes de ce nom sont fermées le dimanche ! 😉
anne7500 a dit:
Je connais une excellente librairie ouverte le dimanche. Heureusement pas dans ma petite ville, ce serait catastrophique.
Géraldine a dit:
Pas tentée, la couv m’évoquait un thriller, mais manifestement, ce n’est pas le cas….
anne7500 a dit:
Ce n’est pas un thriller, mais il y a des morts, ça oui !
Sophie Sampic a dit:
Je note ce roman. Hop, billet ajouté !
anne7500 a dit:
Quelle claque, ce premier roman !