Étiquettes
14-18, Marianne Sluszny, nouvelles, Un bouquet de coquelicots
Présentation de l’éditeur :
La guerre 14-18, en Belgique. Dans cette suite de nouvelles, Marianne Sluszny donne une voix à ces anonymes, dont la vie a basculé dès le début des hostilités. Qu’il s’agisse d’un mort, d’un musicien, d’une jeune mariée, d’un soldat flamand, d’une infirmière, d’un Congolais, d’un pigeon… le désastre de l’occupation les a avalés.
Dans ces brèves histoires crûment racontées, des visages et des vies transparaissent. Les lieux du drame, Andenne, Namur, Malines, Anvers, Bruxelles, La Panne, Ypres, villes martyres, zones de combat ou zones d’occupation, balisent le territoire où ces destins ont été balayés. Éphémères comme des coquelicots.
Marianne Sluszny a compulsé pendant trois ans les archives de la Grande Guerre pour la préparation d’une série d’émissions qui seront diffusées par la télévision belge (la RTBF) au printemps 2014. De cette immersion, elle a tiré la matière vive de ces nouvelles, vibrantes et noires.
Au départ, vu mon sens de l’organisation méga-géant (et surtout mes yeux plus gros que le ventre qui m’ont bien occupée en mars) je pensais, pour gagner du temps, ne présenter qu’une nouvelle de ce recueil. Oui mais voilà : le bouquin n’est pas gros (121 pages assez aérées) et la première nouvelle me paraissait bien mais un peu appliquée, je ne voulais pas rester sur ce sentiment. Et puis c’est 14-18 en Belgique, alors… que voulez-vous, j’ai tout lu ! (Et j’aurais regretté de faire la petite joueuse…)
Première nouvelle, De profundis, un peu appliquée donc mais très émouvante finalement, et je dois dire que ce n’est pas l’écriture de Marianne Sluszny qui compte à mon sens dans ce recueil : elle est tout à fait correcte, mais pas transcendante, ce n’est pas le but. Tous les textes commencent quasiment tous par « Je suis né(e) le … » ; on est donc plongé d’emblée dans l’expérience intime d’hommes et de femmes (et même un animal, un pigeon, dans Echo) qui avaient environ 20 ans en 1914, des anonymes (sauf le premier d’entre eux, resté célèbre) à qui l’auteur prête vie, donne voix : des gens de Flandre, de Wallonie et de Bruxelles, des nantis, des paysans, des ouvriers, des bourgeois… Tous plongés dans la guerre, soit dans les tranchées et les combats (Roger, Frans, Albert – inoubliable Albert au nom si patriotique et au destin si tragique), soit à l’arrière, des femmes souvent isolées mais déterminées (Jeannette et Cécile), dans une Belgique occupée à plus de 90 % par les Allemands, des occupants violents, encore marqués par la défaite de 1870 et dont le but avoué est de terroriser les habitants.
Marianne Sluszny est donc la co-auteur d’une série en trois documentaires sur la Grande Guerre en Belgique, qui sera diffusée en mai, et dont le narrateur est l’acteur Bernard Yerlès. On sent qu’elle est nourrie de centaines d’informations sur la vie dans les tranchées, sur les combats de première ligne et surtout sur la vie quotidienne des Belges pendant cette période. Elle cite des anecdotes ou des décisions prises par les bourgmestres de Bruxelles Louis De Brouckère et Adolphe Max, qui sont certainement tout à fait authentiques, elle parle d’Edith Cavell, infirmière anglaise très active en Belgique pendant la guerre et finalement fusillée en octobre 1915 par les Allemands, pour haute trahison. L’histoire d’Albert est, elle, inspirée de l’histoire d’un vrai soldat belge, découvert au Flanders Fields (le musée d’Ypres consacré à la mémoire 14-18, je vous en parlerai sûrement un jour). Rien que pour cette richesse de documentation, cette série de nouvelles vaut le détour, en tout cas j’y ai appris plein de détails, et c’était très émouvant par exemple de découvrir ces noms célèbres connus pour être des noms de boulevard, de place, d’hôpital bruxellois prendre chair et sens dans l’époque de 14-18.
Si la langue de Marianne Sluszny est sans fioriture, elle ne craint surtout pas de raconter crûment les choses, montrant clairement la faim et les violences subies à l’arrière, les choix à poser, la vie sordide dans les tranchées, l’horreur des blessures et des corps déchiquetés sur les champs de bataille. Elle dit l’émergence d’une conscience flamande et laisse deviner à quel point ce conflit total a profondément marqué de son empreinte le vingtième siècle naissant, elle le fait sentir à l’échelle de la Belgique mais le lecteur peut sans problème universaliser le propos.
Ces histoires individuelles deviennent donc profondément emblématiques de la tragédie humaine qui s’est jouée dans notre petit pays en 14-18 et ces quelques personnages symboliques nés sous la plume de Marianne Sluszny ont été pour moi singulièrement émouvants. Et si proches dans leur humanité. Je ne peux que vous conseiller de les rejoindre à votre tour. Et j’ai hâte de voir les documentaires !
Marianne SLUSZNY, Un bouquet de coquelicots, Editions de la Différence, 2014
ptitlapin a dit:
C’est comique que nos nouvelles aient le thème de cette guerre sans se concerter. Bon bref, comme toi je me réjouis de voir le documentaire en mai.
anne7500 a dit:
Oui, c’est amusant ! Ca sera sûrement bien avec Bernard Yerlès, j’aime bien cet acteur…
argali2 a dit:
Sans doute a-t-elle voulu coller au plus près des hommes de l’époque, pas tous intellectuels, pas tous poètes mais qui écrivaient pour rester vivants, une heure, un jour…
Très beau billet. Je note ce recueil.
anne7500 a dit:
Tu peux peut-être retrouver le podcast d’une Librairie francophone (de janvier ou début février, je ne sais plus) sur France inter, elle était invitée et c’est là que ça m’a fait tilt !
anisdelitterama a dit:
Il faut que je découvre davantage les auteurs belges.
anne7500 a dit:
Il y en a beaucoup ! Mais je suis sûre que, côté féminin, tu connais déjà Madeleine Bourdouxhe (La femme de Gilles), Marie Gevers et plus près de nous, Jacqueline Harpman !
Syl. a dit:
Pas encore fait mon billet sur les nouvelles que j’ai lues ! Je demande un sursis…
Je ne vais pas noter ton titre car je viens de terminer un livre qui en parle. Ça me suffit pour l’instant !
chaplum2 a dit:
Ce recueil semble rempli d’infos intéressantes. Par exemple, je découvre qui était Edith Cavell !
anne7500 a dit:
Moi aussi j’ai découvert qui était cette femme liée à la Faculté de médecine de l’ULB ! Je ne peux pas tout révéler de l’histoire d’Albert (je déteste en dire trop, surtout pour ds textes courts) mais j’y ai appris aussi des choses édifiantes !
Mina a dit:
Je vais passer mon tour malgré ce titre joliment évocateur : je préfère les écritures plus « ornées » et, comme tu le sais déjà, le thème ne me parle pas plus que ça.
anne7500 a dit:
Je comprends ! Le plaisir informatif l’a emporté sur les côtés parfois un peu abrupts de l’écriture !
Philippe D a dit:
Déjà le titre me plait; ce que tu dis du recueil aussi. Je retiens.
Bonne soirée.
anne7500 a dit:
Je voulais justement lire de la fiction sur la guerre en Belgique occupée, eh bien c’est un bon début.
Aifelle a dit:
Je le note, mais pas pour tout de suite ; je sors d’une lecture à propos de la guerre 14-18. Point trop n’en faut !
anne7500 a dit:
Je comprends, je me suis dit que si je tenais le rythme d’une par mois plus ou moins, ce serait déjà pas mal !
manika27 a dit:
je le note aussi … vu du coté Belge ça apporte sans doute quelle chose de différent aussi. Merci
anne7500 a dit:
Eh oui, puisqu’il n’y avait que la « poche de l’Yser » qui était la Belgique libre, avec la ville d’Ypres en ville-martyre, tout le reste était occupé par les Allemands.
Sandrine a dit:
Tu lis dans mes pensée toi 🙂 Voilà ce qu’il me faut, avant de trouver, j’espère plus consistant. Tes compatriotes n’ont pas beaucoup écrit sur le sujet, pas autant qu’ils ont souffert.
Je crois qu’ici, on ne pourra pas voir les documentaires dont tu parles car malgré l’Europe, on ne peut pas voir les chaînes TV des autres pays 😦
anne7500 a dit:
Ne t’attends pas à une écriture transcendante, tu serais déçue, mais on sent que c’est du sérieux sur le plan documentaire. Et des notes de bas de pages aident à comprendre certaines spécificités belges !
somaja1 a dit:
Sûr que ça me parle ! Je suis plongée dans « Au revoir là-haut », et des nouvelles, en plus vues de l’autre côté de la frontière, ça pourrait compléter mes découvertes sur cette période.
anne7500 a dit:
« Au revoir là-haut » est dans ma pile, un bien beau cadeau que je lirai plus tard…
somaja1 a dit:
Il faut du temps pour s’attaquer à ce pavé , ou comme moi, être insomniaque. Mais une fois plongé dedans, on ne peut plus s’arrêter.
Nadège a dit:
Je suis intriguée par l’histoire du pigeon… J’aime bien les points de vue décalés…
anne7500 a dit:
Dramatique, l’histoire du pigeon ! Et très instructive aussi.
Nadège a dit:
Tu m’intrigues encore plus !
Rino 17 a dit:
J’ ai lu ce superbe recueil, trouve a la foire du livre, un beau moment de lecture, a recommander en ces temps de souvenir , merci.
anne7500 a dit:
Un livre et une auteure à soutenir par la lecture comme vous pouvez le lire dans son commentaire !
Sluszny a dit:
Bonjour! Je suis l auteur(e) de » Le bouquet de coquelicots » donc Marianne Sluszny. Grand merci a celles et ceux qui m ont lues, appréciées et critiquées.
Quelques éclaircissements: au mois de mai, trois dimanches de suite a 20h45, seront diffusés sur les antennes Tv de la RTBF ( Radio Télévision Belge francophone) des documentaires de 90′ sur ce que fut la guerre 14-18 en Belgique ( avec des ouvertures sur l international et sur des questions qui nous concernent encore aujourd’hui…)
Je travaille depuis trente ans a la RTBF et je suis, avec le réalisateur, Michel Mees, la conceptrice, scénariste et responsable éditoriale de ces documentaires qui seront conduit au niveau de la narration par Bernard Yerles dont le ton est d une justesse absolue…
Trois ans de travail pour monter et réaliser cette opération qui fut une des plus passionnantes de ma trajectoire professionnelle…que je dois en grande partie a l institution dont je vais dire quelques mots ci après.
Je me répète. Je vous remercie de votre attention pour mon recueil de nouvelles.
ET POUR CAUSE…Si l un d entre vous m a entendu à l émission » La bibliothèque francophone « , il était moins cinq!
Peu après, la direction de la RTBF a interdit que soit faite toute promotion de mon livre sur ses antennes télé, radio et web. Et ce parce que j aurais ignore un règlement interne qui veut que chaque agent de l institution se doit d informer préalablement de ses intentions d écriture et de publication le service commercial qui fait egalement de l édition… J ajoute que avant le bouquet de coquelicots, j avais publié deux romans ( 2005 et 2011) aux Éditions de la Différence qui est également l éditeur du recueil de nouvelles et que cela n avait dérange personne.
Je ne vais pas m étaler la dessus. Si vous êtes intéressés, voir l’article publie dans Le Soir ( fin février je crois) avec pour titre » Sluszny censurée par la RTBF »
Voilà pourquoi vos réactions m importent particulièrement. D autant que je suis particulièrement attachée à ce recueil de nouvelles que j’ai dédié » a Guy « , l homme avec qui j ai vécu 27 ans et qui est a déposé sa guitare l été dernier.
anne7500 a dit:
Merci, Madame Sluszny, d’être passée par ici et de nous expliquer les choses. J’ai donc eu la chance de vous écouter à la Librairie francophone ! Je suis abasourdie par cette interdiction de la RTBF : c’est évident, comme vous l’expliquez au Soir, que la réalité a nourri votre imaginaire et qu’il n’y a aucun conflit entre les deux, au contraire. Comme je l’ai déjà écrit, j’attends avec impatience de voir ces documentaires, je vous ai entendue aussi à Cinquante degrés nord, lors de la semaine au Musée de l’armée. Merci de nous préciser les jour et heure de diffusion, j’y serai d’autant plus attentive. Et surtout, merci pour ce recueil de nouvelles si émouvant !
Sluszny a dit:
Merci encore à vous. les documentaires » LHistoire belge » seront diffusés les 4,11 et 18 mai sur RTBF1 à 20h45…
anne7500 a dit:
Merci, je ferai encore passer l’info !
folavoine a dit:
très intéressant ce point de vue belge , moi qui ne lit que du « français » depuis novembre en raison d’une reprise d’études. Je vais essayer de.me procurer cet ouvrage. Et merci à l’auteur pour l’éclaircissement…
anne7500 a dit:
Les éditions de La Différence sont françaises, ça doit être facile à commander en France. Ebouriffant, le traitement réservé à Marianne Sluszny, n’est-ce pas !