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Présentation de l’éditeur :
Le vent, la pluie, la rumeur de la mer et la pesanteur du passé font de Griffin Creek, petit village du Québec, un lieu étrange et presque hors du monde. Un soir de l’été 1936, deux adolescentes vives et lumineuses, enviées ou désirées pour leur beauté par toute la petite communauté protestante du village, disparaissent près du rivage. A travers la voix ou les lettres de différents personnages, on assiste à la tragédie qui commence à se jouer, bouleversant ce village figé dans la tradition et le respect des Commandements.
D’abord c’est le pasteur qui fait entendre sa voix, quarante-six ans après le drame qui a bouleversé à jamais la vie de ce petit village campé sur l’Océan, entre cap Sec et cap Sauvagine. Un vieil homme au coeur sec et à l’âme sans doute aussi noire que sa tenue de clergyman, dont la voix subjuguait pourtant ses ouailles au temps de sa splendeur, jusqu’à cet été 1936 qui vit disparaître Olivia et Nora. Le pasteur nous fait comprendre les liens étroits qui existent entre les quatre familles principales de Griffin Creek, la domination des hommes sur des femmes, mères, filles, soeurs courbées sur les travaux ménagers, dont la voix et le désir comptent pour si peu…
C’est au tour de Stevens Brown de conter sous forme épistolaire son retour à Griffin Creek à l’été 36. Stevens, le mal aimé, le rebelle, plein d’une sauvagerie animale, animé d’une vengeance mal exprimée. Homme construit sur une violence larvée, force de la nature mais d’un naturel mal accordé à la beauté des lieux. Déjà nous sentons qu’l n’y aura pas de fin heureuse…
Et voici Nora, qui raconte son enfance et cet été 36 où elle et Olivia sont devenues des jeunes filles gonflées de sève, à la « sauvage innocence ». Et puis Perceval, le frère simple d’esprit de Stevens, celui qui voit tout, ressent tout mais ne peut souvent s’exprimer qu’en larmes et en cris. Et Olivia qui raconte sa version des faits ou plutôt nous la fait ressentir dans une poignante symphonie d’eau salée et de vent… Jusqu’à la finale découverte en apnée (et ce n’est pas un mauvais jeu de mots de ma part).
Dans ce magnifique roman, Anne Hébert dépeint un village et des habitants figés dans des traditions religieuses, des interdits, des décrets souvent imposés par des hommes secrets, ambivalents. Face à eux, des femmes maltraitées, réduites au rôle de mère dans leur âge adulte, livrées à elles-mêmes quand elles découvrent leur corps et leur désir et repoussées, méprisées quand « elles ne sont plus des femmes ». Et enveloppant ces hommes, ces femmes et ces enfants, la mer et le vent qui offrent une présence (oserais-je dire féminine et masculine, père et mère de substitution), une force et une beauté qui dépassent de bien loin les petits arrangements malsains des hommes…
La langue d’Anne Hébert est belle, poétique, brûlante, puissante, accordée à chacun des personnages à qui elle donne successivement la parole. Elle magnifie le cadre de la baie du Saint-Laurent dont elle a marié rive sud et rive nord dans le village imaginaire de Griffin Creek. La métaphore du titre est symbolique : les fous de Bassan sont des oiseaux libres, dont le bec fend et fouille la mer après un vol en piqué. Son roman m’a captivée et déchirée à la fois.
« Mais la rive nous retient davantage avec ses rochers rouges ou marron, gris, ses montagnes austères, appelées mornes, comme des personnes désagréables, ses petits sapins drus, un sur cinq, rouge et desséché, les morts non ramassés, tenus serrés par les vivants, debout, rouges et desséchés entre les vivants verts et noirs, la folle vie végétale, robuste, respirant contre les morts, les tenant debout, entre les vivants, ne pouvant pas s’en débarrasser, n’ayant pas le temps, trop engagée dans la puissante occupation de vivre, de croître et de pousser dans un sol pauvre où la vie est un défi et une victoire. » (p. 59)
« Dans toute cette histoire il faudrait tenir compte du vent, de la présence du vent, de sa voix lancinante dans nos oreilles, de son haleine salée sur nos lèvres. Pas un geste d’homme ou de femme, dans ce pays, qui ne soit accompagné par le vent. Le souffle marin pénètre nos vêtements, découvre nos poitrines givrées de sel. Nos âmes poreuses sont traversées de part en part. Le vent a toujours soufflé trop fort ici et ce qui est arrivé n’a été possible qu’à cause du vent qui entête et rend fou. »
« Regagnons la haute mer. Légère comme une bulle, écume de mer salée, plus rapide que la pensée, plus agile que le songe, je quitte la grève de mon enfance et les mémoires obscures de ma vie ancienne. » (p. 204)
Anne HEBERT, Les fous de Bassan, Seuil, 1982 (et Points, 1998)
L’avis de Yueyin
(sources : francois.eudier.free.fr et raoulkonanz.com)
kathel2 a dit:
Très très tentant ! Je ne pense pas participer beaucoup au mois québecois cette année, mais ça ne m’empêche pas de noter des titres et celui-ci me plaît bien (pas seulement le titre, hein, ce que tu dis du roman !)
anne7500 a dit:
Oh mais tu as raison, rien que le titre est attirant !! 😉 Et le roman est… somptueux de noirceur !
Violette a dit:
je viens de noter chez Eimelle, tu en rajoutes une couche alors oui, je vais lire cet auteur ! 🙂
anne7500 a dit:
Oui, oui, il faut le lire, ce n’est que normal qu’il soit dans les trésors du Québec.
Laeti a dit:
Tu en parles vraiment très bien de ce roman qui est un coup de coeur je crois? je retiens le titre!
anne7500 a dit:
Oui, oui, coup de coeur ! Et facile à trouver puisqu’édition française.
22anjelica a dit:
Je le note de ce pas 🙂
anne7500 a dit:
Noter et… lire absolument ! 😉
eimelle a dit:
voilà qui me donne envie de continuer ma découverte de cette auteure!
anne7500 a dit:
Tout pareil pour moi !
Jerome a dit:
Je me rappelle du billet de Yueyin, tu me donnes encore plus envie !
anne7500 a dit:
Héhé je vais faire des adeptes.
aifelle a dit:
Je viens de la voir aussi chez Eimelle, je note ce titre là, je pense qu’il me plairait.
anne7500 a dit:
C’est tout à fait pour toi, Aifelle !
Lili a dit:
Ton enthousiaste est contagieux ! Je l’ai ajouté à ma liste d’envies 🙂
anne7500 a dit:
Envie facile à satisfaire, chère Lili : c’est une édition française et de poche ! (Que demande le peuple ?)
Le livre d'après a dit:
Très belle critique! Tu m’as donné envie, je le note !
anne7500 a dit:
Ouf, j’avais peur de ne pas faire honneur à ce magnifique roman.
Grominou a dit:
Excellent billet, je suis enchantée que tu aies donné envie de le lire à plein de gens!
anne7500 a dit:
Merci, Grominou ! Je termine un peu tard ce Québec-aux-trésors, mais je vous remercie, Karine et toi, de nous faire découvrir ces perles de la littérature québécoise !
lcath a dit:
c’était mon premier « québécois » l’année dernière un vrai plaisir !
anne7500 a dit:
Ce n’est pas ler premier pour moi mais il restera marquant !
yueyin a dit:
Une superbe lecture 🙂
anne7500 a dit:
Sûrement une des plus belles de ce mois et de l’année !
Emma a dit:
Je m’empresse de le noter 🙂
anne7500 a dit:
Tu fais bien 😉
Sandrine a dit:
Quelle belle découverte qui a tout pour me plaire : merci !
anne7500 a dit:
Contente de te faire découvrir un beau titre !
Vero a dit:
Oh là là ! Je note je note je note !
anne7500 a dit:
Mais oui, mais oui, et je suis ravie de te revoir par ici !!
Mina a dit:
Difficile de résister à tant d’enthousiasme 🙂 Ton « somptueux de noirceur » et l’édition de poche achèvent de me convaincre !
anne7500 a dit:
C’est incontestablement ma plus belle lecture du mois !
Vero a dit:
Je l’avais repéré ici 😉 et je l’ai ENFIN lu. Quel livre somptueux et sombre, d’une grande puissance évocatrice. Il possède quelque chose de glaçant, d’inéluctable aussi. Un grand roman.
anne7500 a dit:
Je suis contente ! J’ai justement rencontré des libraires québécois enthousiastes hier à la Foire du livre.