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Présentation de l’éditeur :

La vie comme une image : une mère parfaite, une petite fille modèle, un père gentil, l’observance stricte des règles de la bienséance. Rien, en apparence, pour donner matière à un roman. Et pourtant… De cette vie réglée comme du papier à musique s’échappent de désagréables et persistantes odeurs. Le mur du silence qui l’enveloppe se lézarde et laisse entrevoir que ce soi-disant éden, tout entier édifié sur le mensonge, engendre une souffrance qui conduira au meurtre.

Je savais déjà que les auteurs québécois osent étaler au grand jour des sentiments et des situations que la pudeur européenne tairait discrètement, mais là, le premier roman (une centaine de pages « seulement ») de Jocelyne Saucier m’a bluffée !

Cela commence avec l’obsession d’une mère pour ses menstruations, signe d’une féminité exacerbée, d’une forme de sublimation du corps ou une manière e se protéger de l’homme, du mari, sans doute les trois, une manière de vivre les règles mensuelles qui l’abrite dans une bulle, bulle où elle maintiendra sa fille bien serrée contre le durant toute leur existence à toutes les deux.

Et comme s’il ne suffisait pas de dessiner sous les yeux ébahis du lecteur cette bulle fusionnelle, cette vie rêvée, fantasmée, cette illusion permanente qu’une mère et sa fille (jamais nommées) entretiennent savamment l’une pour l’autre tandis que le mari, le père, qui n’a jamais eu d’autre utilité que de veiller à leur confort et à leur sécurité s’efface petit à petit, se met en retrait de leur vie, Jocelyne Saucier ne termine pas son roman sur une note fleurie, au contraire : le début et la fin sont marqués chacun par une odeur bien particulière, preuve s’il en fallait de l’art de la construction de l’auteure.

Ma lecture a été marquée de sentiments divers : j’étais ébahie par la force indestructible de cette relation mère-fille complètement toxique mais comme c’est la fille qui raconte, elle ne sait pas à que point l’illusion est terrible, la frontière entre mensonge et vérité, rêve et réalité est constamment ténue et déviée, déviante. J’étais au minimum ébahie et parfois même mal à l’aise devant ces deux femmes mais c’est le talent de l’auteure de nous questionner sans cesse sur la « vérité réelle » des choses et des personnes. Admiratrice aussi de ce talent de Jocelyne Saucier et de son écriture fluide, élégante, qui contribue à entretenir l’illusion.

C’est difficile de parler clairement de ce roman qui dit aussi une éternelle nostalgie de l’enfance sans tout révéler. Certes son univers est complètement différent de celui de Il pleuvait des oiseaux mais après tout c’est son premier roman, et après réflexion il y a déjà dans celui-ci un petit côté « borderline » qui se développera plus tard dans un autre contexte !

« Si j’aime tant me promener dans mon enfance, c’est que j’y ai laissé des rêves merveilleux. »

« Il y a des moments où on voudrait se retirer de la vie et ,pendant qu’on y est pas, aller effacer la mémoire du temps. Je voudrais que ce moment n’eût jamais existé. »

« En y pensant bien, je crois que le rêve occupe presque toute ma vie. Je ne peux imaginer ce que serait ma vie sans sa partie rêvée. Et je ne crains pas la vieillesse tant que je peux retourner à mes rêves d’enfance. »

Jocelyne SAUCIER, La vie comme une image, Editions XYZ, 1996

Les éditions XYZ fêtent leurs 30 ans cette année, je suis donc contente de présenter un de leurs titres durant ce mois au Québec.

L’avis d’Argali 

Québec en novembre